Petite philosophie du confinement

par Yan Marchand
Docteur en philosophie et auteur

Pour télécharger le texte qui suit au format PDF, cliquez sur le lien ci-dessous :

Une petite conférence pour les milliards confinés

Presque trois milliards d’êtres humains confinés, cela en fait du monde. Presque tous les pays semblent concernés. Il est normal d’en parler un peu. Mais qu’est-ce que cela veut dire : « confinement » ? Aurait-on oublié de nous le dire ? Heureusement, la philosophie est là.

Cette petite conférence s’adresse aux parents, ou aux adultes, désireux de trouver les mots pour parler de ce sujet avec les enfants. Les plus âgés de nos jeunes peuvent éventuellement la lire et goûter au plaisir de la philosophie, par eux-mêmes. La plupart des idées développées ont été recueillies auprès d’enfants de 5 à 14 ans, dans 24 classes pendant 1 an. Nous nous demandions alors C’est où chez moi ?

Leurs idées résonnent avec encore plus de force en cette période de confinement. Ces idées sont donc celles qui parlent à l’enfance mais pas seulement, elles parlent aussi aux philosophes, mais pas seulement.
Ce texte est donc à la fois un guide de conversation et un écrit, afin de poser les choses, loin de la kermesse du siècle. Il permettra de parler de toute cette affaire au calme, quand les choses auront repris leur cours ordinaire. Même si nous devons prendre conscience, comme après une maladie, qu’il n’y a jamais de retour à l’état antérieur. Il ne s’agit pas d’épiloguer sur la gestion de la crise, passons à autre chose, mais de proposer une réflexion sur le confinement chez soi.

Qu’est-ce que le chez soi ? A quoi le reconnaît-on ? Est-on encore chez soi quand on est confiné ? Si les murs ont des oreilles, ils ont aussi la parole. Interrogeons-les : c’est où chez moi ?

Chez moi : le lieu des habitudes

Le confinement, c’est simple : il faut rester chez soi. Pour refaire la peinture du salon ? Pas vraiment. Une menace vient à nous. Il y a deux façons de la tenir à distance. Soit je l’éloigne, soit je m’éloigne. Alors, je me réfugie quelque part. Hélas, la menace est portée par les êtres humains ; je m’éloigne aussi d’eux.
Dehors, cela crachote et tousse, je suis assez partant pour limiter les embrassades. Je me dis même : rester chez soi, c’est une bonne idée. Je suis d’accord. Alors confinons bien, confinons tous !
Certes, le confinement est une limitation de nos libertés, mais si c’est pour le bien de tous où est le problème ? C’est temporaire. On va s’en remettre. Mais peut-on devenir malade du confinement ? Quand on m’ordonne de rester chez moi, je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Entre quatre murs, quoi de plus normal. D’où vient ce malaise ? Chez moi, c’est le lieu où je fais ce que je veux. Je l’aménage comme je veux, mais je le quitte comme je veux. J’y ‘invite qui je veux. Je le ferme et je l’ouvre à qui je veux. Un endroit que je ne peux pas quitter, un endroit dans lequel je ne peux pas inviter, est-ce encore chez moi ? Est-ce devenu une prison ?
Mais tu es chez toi voyons ! D’ailleurs quand on t’a dit : reste chez toi tu n’es pas allé chez ton voisin. Chez toi, c’est le lieu auquel tu as pensé immédiatement pour te réfugier. C’est l’abri.
Dans un monde de froid, de vent – et de virus – c’est un endroit aménagé pour dormir, manger, se réchauffer. C’est un lieu de répit. Avec le confinement, je vois tout de suite où est le lieu protecteur. Être protégé est-ce suffisant pour se sentir chez soi ? Le mot logement désignait, il y a bien longtemps un auvent de branchages, ou allée couverte, voire un campement militaire. Je m’y abrite, mais je n’y demeure pas. C’est un lieu de passage. Le camping, l’hôtel, peuvent me loger mais ce n’est pas chez moi.
Pour que cela soit chez moi, il faut que ce soit le lieu de mes habitudes. D’ailleurs habitat et habitudes sont très proches. On habite des habitudes avant d’habiter un lieu dit le philosophe Sloterdijk. Chez moi c’est le lieu qui protège durablement mes habitudes.

Mais la protection et les habitudes sont-elles suffisantes pour qu’un lieu devienne chez moi ?

Un lieu privé

Prenons l’exemple d’une école. C’est un lieu dans lequel je passe du temps, j’ai mes habitudes. Quand il pleut, je peux m’y abriter. Je peux même loger à l’internat pendant la semaine. Mais est-ce chez moi ? Chez moi, ce n’est pas seulement le lieu dans lequel je suis souvent, c’est le lieu dans lequel je me sens aussi libre que possible. Car c’est un domaine privé.
Privé des autres. Personne pour me dire comment me tenir, m’habiller, me comporter. A l’école, ce n’est pas moi qui choisit le fonctionnement. Je vis dans l’organisation d’un autre. Je me souviens d’un enfant d’une dizaine d’années disant ceci : « A l’école, il faut obéir à des règles collectives, c’est un lieu qui appartient à l’Etat. » Chez moi, au contraire, je suis le maître des règles. Quand mes parents entrent dans mon domaine, ils font une drôle de tête. Ils voient du désordre. Moi, je vois de l’ordre. D’où certains conflits autour de l’aspirateur.
Hannah Arendt dit que le domaine privé est un endroit que l’on possède suffisamment pour s’y cacher, car certaines choses ont besoin de secret. C’est le lieu où je peux cacher mon intimité. Je comme je veux, si je veux, à qui je veux.
Je me souviens d’une enfant qui disait qu’à l’école elle pouvait se sentir chez elle dans son casier, petit domaine privé dans un bâtiment collectif.
J’ai besoin d’un espace dans lequel je peux cacher ma vie, dirait Epicure. Peut-être pour mieux apparaître aux autres. C’est pour cela qu’il est parfois difficile de partager sa chambre.
Mais en période de confinement, chez moi est-ce encore du privé ? L’école est à la maison, mes parents ont leur bureau dans le salon. Nous sommes chez le directeur de l’école et le patron. Le domaine public s’invite à l’intérieur. Avec ses obligations, ses horaires, son rythme, ses tâches, ses récompenses et ses blâmes.

Chez moi, ce miroir

J’aime d’autant plus ce lieu que ce petit coin privé est à mon image. C’est ma déco, ma poussière. Je punaise des affiches sur les murs, je range mon bureau de façon très personnelle. C’est une sorte de miroir. Sans un coin à moi puis-je prendre conscience que je suis bien moi, avec des goûts, un style, une façon de voir le monde ? Je me souviens d’un enfant de sixième dire ceci : c’est l’endroit dont je suis l’auteur. Hegel dirait que je donne à voir ce qui est mien dans ce type d’action.
Peut-être même que ce lieu à soi est nécessaire pour que l’enfant dise un jour : c’est moi !

Le confinement est l’occasion rêvé de modifier le lieu où je vis et de m’affirmer grâce à lui. La pelouse est bien tondue. L’essentiel a été repeint. J’ai même fabriqué un nichoir pour les oiseaux. Bricoler, jardiner, balconer, l’oeil rivé sur les toitures. Sentir la peau des murs et la vie de l’immeuble. Ressortir ses vieux jouets, ses crayons, sa peinture. La guitare poussiéreuse.
Finalement, le confinement est peut-être l’occasion de rendre le logement encore plus personnel et de s’y sentir comme nage le poisson et non d’y croupir comme un animal en cage.
Quelle occasion d’en prendre soin et de se faire des souvenirs en famille. Des fixations de bonheur, dirait Bachelard. Pour l’enfant, c’est le moment de construire le foyer de ses souvenirs. Un foyer qui lui évitera de se disperser lors des déménagements. Foyer qu’il auquel il pensera quand, dans sa chambre d’étudiant, on lui dira de rester chez lui. Cette maison que je n’ai pas quittée pendant des semaines, je ne risque pas de l’oublier.
Cela se trouve, au moment du déconfinement, j’aurais même le blues.

Un lieu dont je suis le gardien

C’est où chez moi ? Essayons d’aller plus loin. C’est le lieu des habitudes, d’une certaine liberté, c’est le lieu charmant. Mais chez moi ce n’est pas un lieu que j’aménage au hasard. Je ne fais pas n’importe quoi. Je ne peins pas les murs avec de la boue. Je ne retourne pas la pelouse, je ne coule pas de béton dans les nichoirs à oiseaux.
D’ailleurs mes parents me laissent faire ce que je veux à condition que je préserve l’endroit.
Je suis un peu le gardien d’un lieu. Celui qui prend soin d’une plante, favorise sa croissance, celui qui prend soin de son coin du monde veut le rendre le plus habitable possible. Je ne me contente pas de loger ma routine.
Quand ils évoquent leur logement, les enfants parlent souvent d’un endroit qui est le plus chez eux. Est-ce forcément la chambre ? Cela peut être la cabane du jardin. Un petit me disait que son coin c’était le couloir de l’appartement, entre sa chambre et celle de ses parents. Belle description d’un foyer : fatras de jouet au milieu de la circulation de toute la maisonnée. Pour un jeune cela peut être un coin de rue, un hangar, un parc, voire son portable, avec sa musique, ses photos, ses connexions. Tout enfant a une cabane. C’est l’habitation qui accueille l’enfance et duquel l’enfant se sent responsable. Il bâtit pour que cela dure.
La cabane de l’adulte peut être la ville ou le pays. Nous voyons des enfants qui manifestent pour la planète. Car ils veulent habiter la terre, humainement, durablement. Cela fait une belle chambre !
Mais comment prendre soin d’un lieu ? Ce n’est pas le tondre et le bétonner. Ce n’est pas le pot de fleur et le canapé. Ce n’est pas le rendre charmant. Un philosophe qui se nomme Heidegger dit qu’il faut prendre soin de ceci : le lieu doit rassembler quatre choses : le ciel, la terre, les divins et les mortels. Le mouvement des cieux, la terre comme autre chose que source de profit, les divins comme ce que l’on attend et l’inattendu, l’endroit où cheminent les mortels. Il prend l’image d’un
vieux pont de pierre, jeté entre deux rives. A opposer à l’image de l’autoroute.
Je me souviens d’une enfant disant : Chez moi, c’est le lieu qui m’est destiné. Il m’est destiné pour que j’en prenne soin. C’est comme une rencontre. Comment être à la hauteur du lieu ?
Etre confiné chez soi, c’est être confiné dans un lieu dont nous avons la responsabilité. Peut-être cela va-t-il renforcer les liens entre moi et ce lieu. Si c’était un lieu que je ne faisais qu’occuper, comme la voiture occupe le garage, peut-être vais-je enfin trouver l’occasion de l’habiter vraiment.
Mais il y aussi le risque de découvrir ceci : ce lieu est inhabitable. Bloc de béton posé sur les plaines. Sol exploité, vie sans astre, sans soleil et sans lune, sérieuse routine, mortels affairés et seuls. Le confinement peut me faire comprendre que ce lieu où je réside n’est pas vraiment chez moi. Je réside dans une machine à habiter, pour reprendre une expression de l’architecte Le Corbusier. Simple logement. Le confinement ne sera pas agréable pour tout le monde. Je ne suis pas
le gardien d’un lieu, c’est plutôt le lieu qui me garde. Sentiment d’enfermement. Petite astuce pour ceux qui n’ont pas perdu leur travail. Investissez dans l’immobilier, car il y va y avoir du déménagement dans l’air.

Habiter sans inviter

Nous avons vu le côté supportable voire sympathique du confinement. Seulement, le confinement va me priver de quelque chose d’essentiel.
Une enfant me donne un jour cette définition du chez soi. C’est un endroit dont j’ai la clé. Je crois que tout est dit. Chez moi, c’est un lieu que je peux fermer et ouvrir.
Sans invité, je risque de perdre le sentiment d’être chez moi. Je ne vis pas seulement avec les autres mais parmi les autres. C’est pour cela que les conversation au téléphone ou par internet sont un peu tristes. Il n’y a personne de l’autre côté de l’écran. Des fantômes derrière le portail.
Chez moi, il y a une chambre d’ami. J’ai besoin de lui pour me sentir chez moi. J’ai besoin de dire bienvenue chez moi pour me sentir chez moi. Si je n’ouvre plus la porte, si personne n’entre, le logement devient un lieu de solitude. Ce n’est plus l’endroit où j’ai plaisir à être, celui que je montre avec fierté. C’est la boîte dans laquelle j’abrite mes fonctions vitales. C’est cela le piège de l’intimité. Le repli en soi.
Un philosophe qui s’appelle Jean-Pierre Vernant est un spécialiste du monde grec. Il observe que les Grecs ont deux divinités : Hestia et Hermès. Hestia est la déesse de l’intérieur, du foyer. Hermès est le dieu des voyages, de l’extérieur. Ces deux divinités sont inséparables. S’il n’y a pas d’extérieur, l’intérieur n’existe pas. Sans extérieur je finis pas faire partie des meubles. Les meubles finissent pas faire partie de moi. Sans intérieur, sans foyer, le voyage devient également une errance.
Alors, le confinement pose problème. « Pour qu’il y ait véritablement un dedans, encore faut-il qu’il s’ouvre sur le dehors pour le recevoir en son sein. », écrit Vernant. Sans cela je vais cesser d’être. Je ne vais pas forcément me battre avec les frères, les sœurs et le hamster, mais nous allons finir par tourner dans la même roue.
Après la millième partie de Mille bornes, on commence à manquer de conversation. Coronavirus, toutatice et pro note, dérogation, amende, whatsapp, Netflix, l’héroïsme du personnel soignant, les fils d’attente…. même le hamster a la nausée.
Il n’y a pas de foyer sans convivialité. Ce lieu qui est pourtant le plus familier, finira par me sembler étrange.

Habiter sans hospitalité

Le confinement peut être l’occasion de la convivialité. Admettons. En famille. Je peux aussi me satisfaire des relations à distance. Seulement, chez moi, ce n’est pas seulement le lieu de la convivialité, c’est aussi le lieu de l’hospitalité. Les invités c’est bien mais les visiteurs, c’est encore mieux. L’invité c’est celui que je connais déjà. Alors, je peux dire : « Fais comme chez toi. » Je sais que l’invité ne fera pas comme chez lui. Il ne va pas ranger ses chaussures dans mon placard, fixer un cadre de sa grand-mère et déplacer les meubles. Il est prévisible.
Le visiteur c’est différent. C’est celui qui ne s’est pas annoncé. Il n’a pas été invité. Il est là. Il frappe à ma porte, à minuit. C’est l’étranger par excellence. L’Autre. Il est l’aventure au pas de ma porte. Il déchire mes habitudes. Que dois-je faire ? Un philosophe qui s’appelle Derrida voit bien que la langue française est astucieuse : l’hôte c’est celui qui reçoit mais aussi celui qui est reçu.
Ouvrir sa porte, c’est prendre un risque : je risque de devenir l’hôte de mon hôte. Ouvrir mon chez moi, l’ouvrir à l’autre, me plier en deux pour qu’il soit bien reçu, c’est engager mon chez moi ! C’est le rendre si accueillant que je prends le risque de ne plus me sentir chez moi mais chez lui !
Seulement en prenant ce risque, je me rends compte que c’est chez moi que cela se passe. C’est bien mon foyer qui est accueillant, ouvert sur le monde et capable de recevoir.
Le confinement c’est la fin de l’hospitalité. Dans l’antiquité grecque on pensait que Zeus se déguisait pour frapper aux portes et réclamer l’hospitalité. Mieux valait-il ne pas le décevoir ! Ne pas accueillir l’étranger c’est ruiner son foyer.
Accueillir aussi ouvrir un monde dans lequel je peux moi-même être accueilli. Il y a des chez soi, ailleurs, ouverts. Je peux devenir l’étranger, sans crainte.
Le confinement, c’est la fin de l’hospitalité que je donne et la fin de celle que je reçois. C’est effroyable aussi de se dire que l’on sera accueilli nulle part.

Malheureux qui comme Ulysse…

Je n’ai plus la clé, du moins je ne peux pas m’en servir comme je veux. Suis-je devenu un prisonnier ? Il ne faut pas exagérer. D’ailleurs, le prisonnier, le vrai, peut-être confiné pour cause d’épidémie, alors qu’il est déjà confiné pour cause de détention. Le détenu peut être confiné à l’infini. Mais il y a un air de famille. Le confiné est celui qui n’a plus liberté d’apparaître au regard des autres. Je ne sors plus, plus rien n’entre. Plus de dehors, plus de dedans. L’espace publique est si loin. L’espace privé meurt, le foyer s’éteint. Qu’est-ce qu’une intimité que l’on ne peut plus dévoiler, qui ne prend plus le risque d’être découverte ? C’est une vie privée, mais trop privée. C’est la
solitude dans sa forme la plus anti-humaine, dirait une philosophe déjà citée, Hannah Arendt. Puisje encore dire : c’est chez moi ? La prison, l’hôpital, le lieu du confinement ?
Mais alors si je ne suis plus véritablement chez moi, où suis-je ?
La langue est ingénieuse. Elle a inventé le mot confinement. Nous sommes dans un confins. Mais qu’est- ce qu’un confins ? Initialement c’est un lieu sans lieu. Confinis, ce le lieu du voisinage. Ni dedans ni dehors. Les confins du monde sont sur les frontières, sur une épaisse étrangeté. C’est le calvaire du guerrier qui bataille au loin pour les limites de l’empire. Il y a un autre confins. L’enfermement dans un lieu clôt. C’est le confins d’Ulysse. Un chez soi infiniment éloigné du chez soi véritable.
Ulysse, après avoir fait naufrage est retenu sur l’île de Calypso. D’ailleurs, son nom désigne celle qui cache. Nymphe superbe, maîtresse d’une île qui ne l’est pas moins. Ulysse est son amant et son otage. On a connu prison plus sordide. Mais il pleure, regarde le large, assis sur un rocher.
Il n’est pas chez lui. Il n’est pas ailleurs. Il est mortel et immortel. Sur une île, il est entre la mer et la terre. Il est le glorieux guerrier de Troie mais plus personne ne sait ce qu’il devient. Le confins est un lieu suspendu entre le visible (je suis bien là) et l’invisible (il n’y a pas de monde pour me voir, de lieu où me montrer)
Ulysse pleure, car il flotte entre deux mondes. Il est le comme le cadavre d’une personne qui est à la fois présente et absente. Notre image n’est pas exagérée. Homère utilise le mot keimai, pour dire qu’Ulysse est en train de… rester au repos, passif, dans l’attente, comme les blessés et les abandonnés, les morts couchés au trépas. Homère utilise également ce terme pour décrire l’île de Calypso qui repose sur la mer. Nous pourrions même dire qu’elle gît dans une immobilité parfaite sur les flots.
Être confiné, c’est, comme Ulysse, avoir une existence mise entre parenthèse. En suspension entre les mondes. Dans ce lieu de nulle part, Ulysse, pris à son propre piège, risque de devenir personne. Être confiné, c’est être menacé d’invisibilité. Comme les prisonniers, les malades et ceux qui ne peuvent plus jaillir de leur retraite.

Restez chez vous ! Je veux bien mais ce n’est plus chez moi. Ma demeure est devenue l’île de Calypso. Athéna, la déesse de l’intelligence, a bien délivré Ulysse. Elle saura bien faire un détour par notre siècle. Je regarde par la fenêtre. Presque vingt heures. Quelques applaudissement timides. Plein de nostalgie, je songe au lieu du retour. Au milieu du salon.

Les ouvrages cités :

P. Sloterdijk, Tu dois changer ta vie
A. Arendt, Condition de l’homme moderne
G. Bachelard, Poétique de l’Espace
G.F.  Hegel, Esthétique
M. Heidegger, Bâtir Habiter Penser
J-P. Vernant, La traversée des frontières
J. Derrida, Une hospitalité à l’infini
R. Debray, Eloge des frontières

Partager cette page sur :